Depuis la fermeture de la Société des Conserveries Alimentaires du Noun, le Cameroun est dépendant de l’importation. Pourtant le pays dispose d’une potentielle production de tomate qui n’est pas exploité, pareil pour l’industrialisation qui n’est pas encouragé, malgré le besoin.
Les comptoirs des marchés, et des supermarchés de la capitale économique, et de tous les espaces commerciaux au Cameroun ne désemplissent plus des concentrées de tomates venus des pays étrangers. Conservées aussi bien dans des sachets en plastique, que dans les boîtes en aluminium, ces tomates concentrées viennent pour la plupart des pays comme, l’Italie, l’Espagne, le Brésil, l’Algérie, la Tunisie, la Turquie, la France, les Etats-Unis, la Chine et même le Japon… Et, les marques fussent sur les étals. Les plus connues sont entre autre, Victoria, Le Trésor, First Class, Avena, Broli, Ndolo,…
Bien plus, parmi ces marques qui se bousculent sur les marchés, une bonne partie est seulement ensachée au Cameroun. La patte de la tomate étant importée de l’étranger. C’est le cas par exemple de Helena Tomato. Un cadre dans la société New Food, qui distribue cette tomate en conserve, confie qu’elle est fabriquée à partir de la tomate triple concentrée importée d’Italie. Cette tomate est ensuite diluée pour obtenir un double concentré qui est ensuite ensaché. C’est le cas aussi de la marque Le Trésor, qui vient de Tunisie, et est distribué par l’entreprise Tropik Industries Cameroon. Cette technique, est d’ailleurs la technique utilisée par toutes les entreprises agroindustrielle au Cameroun qui commercialise les tomates en conserve.
Cette nouvelle technique pour fournir aux consommateurs camerounais de la tomate en conserve, est entrée en vigueur depuis pratiquement dix ans déjà. En effet, après la fermeture de la seule unité de production de la tomate en conserve du Cameroun, dénommée la Société des conserveries alimentaires du Noun (SCAN), le marché national camerounais a enregistré un déficit en double concentré de tomate. Ainsi, la SCAN crée pour réduire les importations de tomate concentrée au Cameroun et en Afrique Centrale, avait finalement fermé ses portes et sevrés le marché camerounais. Les importations de tomates concentrées se chiffraient à l’époque à plus de six mille tonnes par an. Et, aujourd’hui le Cameroun est totalement dépendant de l’extérieur. Au niveau de la douane, même si les responsables n’ont pas pu communiquer le montant des importations de tomates en conserve. Un cadre de la structure a confié que cela se chiffre aujourd’hui à plusieurs milliards de FCFA. Sans plus.
Faible production
La production annuelle de la SCAN était en moyenne de 25 millions de boîtes de tomate concentrée pour approvisionner les marchés locaux et de la sous-région Cemac. Mais, le malheur de cette société nationale a été entre autre le faible niveau de production de tomates. « La SCAN disposait des usines pour une production de 3000Kg de tomates par heure, mais c’est à peine que l’on recevait ses tomates, car la production des agriculteurs faisaient à peine la moitié », explique un ancien cadre de la structure. Bien plus, comme le soutient les ingénieurs agronomes la matière première utilisée par la SCAN n’étaient pas appropriés, car contenu beaucoup de d’eau. « J’ai été témoin visuel à certains moments du matériel de transport des produits à l’usine. Vous pouviez voir dans les camionnettes et pousse-pousse, que dans la tomate transportée l’eau y ruisselais des champs jusqu’à l’usine. Vous comprenez que c’était plein d’eau et par conséquent l’usine de transformation ne peut pas fonctionner avec de la tomate plein d’eau si elle recherche la patte », explique Guy Blaise Satsa, Ceo de la société semencière, Semagri Sarl.
L’importation des conditionnements, notamment les boîtes en aluminium a également plombé la rentabilité de l’entreprise. Ceci, bien que la Société nationale d’investissement (SNI) en collaboration avec les es producteurs, les coopératives, avait injecté dans le capital social de la société 900 millions de FCFA. Le contrat d’acquisition des emballages métalliques avaient été signées avec la société européenne FABA SPA. LQE a appris que ce contrat stipulais une clause de formation dans son usine à Parma de stagiaires de la SCAN pendant une semaine pour le fonctionnement de la sertisseuse, ainsi que la fourniture de pièces de rechange de celle-ci. Cette importation de conditionnement reste même encore appliquée par les industries agroalimentaires, qui aujourd’hui sont seulement tourner vers l’extérieur pour obtenir les pates de tomates. Et, « cette importation de boîtes ou même de papier en aluminium est un véritable coût pour la société. Ceci, avec tous les impôts et taxes que nous faisons dessus. En tout cas, si c’était produit localement cela serait moins couteux pour l’entreprise », souligne le propriétaire d’une entreprise agroalimentaire, sous le joug de l’anonymat. Celui-ci, et plusieurs autres acteurs de la filière tomate, estiment d’ailleurs qu’une promotion des inventions locales, pourraient booster la création et la mise en place des appareils innovants pour la fabrication de ces conditionnements.
L’Etat n’a pas d’argent
Le non accompagnement des agriculteurs a été également un coup qui a conduit la SCAN à la faillite. Un ex responsable de la structure confie qu’à l’époque, la société avait sollicité le ministre en charge de l’agriculture de mettre en place des programmes pour accompagner les agriculteurs. Mais, « il nous avait répondu à l’époque que l’Etat n’a pas de l’argent pour cela », confie ce dernier. Et, visiblement plus de dix ans après cette filière tomate reste toujours aux oubliettes. Des sources au ministère de l’agriculture et du développement rural (Minader), ont révélé qu’il n’existe pas au Cameroun un programme pour la filière tomate en particulière et la filière maraichère en général. Ceci, contrairement à la filière maïs, cacao, Café… Selon les statistiques officielles, la consommation moyenne annuelle tomate, au Cameroun est de 42 kg par habitant. C’est la culture la plus pratiquée dans le domaine du maraîchage dont 39% provient de la région de l’Ouest.
En outre, l’on apprend auprès des opérateurs de la filière tomate qu’au Minader, les références de base sur lesquels travaillent les experts de ce ministère sont des anciennes variétés, notamment celle qui donne encore 25 à 30 tonnes de tomates à l’hectare. Pourtant, aujourd’hui il existe déjà des variétés hybrides, qui permettent d’obtenir plus 100 tonnes de tomates à l’hectare. Il s’agit entre autre des variétés dénommés jaguar, cobra, Lindo, Panthère et Nadira. A en croire le Ceo de Semagri, ces variétés sont adaptées aux conditions agro écologiques spécifiques à chaque région. Ont peut donc avoir les tomates dans toutes les régions et à tous les saisons. En tout cas « Si on ne s’accorde pas sur la manière de procédé, notamment en ne pas communiquer sur les variétés actuelles, vous comprendriez que les données octroyées aux agriculteurs seront faussées », souligne Antoine Moukiri, ingénieur agronome.
Mais, pour les investisseurs dans le secteur de l’agroalimentaire, même si des nouvelles variétés de tomates existent et augmentent le rendement, la quantité disponible sur le marché « n’encourage pas se lancer dans la transformation industrielle de la tomate, car cela demande énormément de financement et pour cela il faut que la matière première soit toujours et toujours disponible », indique un investisseur. Celui-ci, faisant allusion au fait que la production de la tomate du Cameroun est à 70% revendu vers les marchés de la sous-région. Selon Issofa Nchinmoun, directeur de la Coopérative des producteurs vivriers du Noun (Cooprovinoun) à Foumbot, depuis la fermeture de la SCAN, plusieurs destinations ont été ouvertes pour écouler les tomates du Noun en générale et de Foumbot en particulier. C’est ainsi que de nombreux camions chargent tout au long de la semaine en partance pour Libreville au Gabon, Kyo si et la Guinée Equatoriale… « Certains producteurs à mal d’accompagnement et à l’absence des usines de conservations vendent même les tomates encore dans les champs », fait remarquer Issofa Nchinmoun.
Forte exportation
Il souligne au passage que la mise en place des unités de transformation de tomates, pourraient limiter cette « forte » exportation de la production locale de la tomate, qui crée la pénurie sur le marché. Cependant, le Délégué régionale de la Chambre d’Agriculture, des pêches de l’élevage et des forêts (Capef/LT), Julbert Konango, estime que la pénurie de la tomate sur le marché local, ne peut être résolu que si une véritable stratégie est mise en place pour augmentation la production. Ceci, notamment avec des appuis, et encadrement que l’on peut octroyer aux agriculteurs de la filière maraichers.
N’empêche, les experts en agroalimentaires soutiennent que même avec une production locale importante, il est primordial de mettre certes un programme de valorisation de la culture de la tomate, mais aussi une politique mieux une stratégie pour susciter l’engouement aux opérateurs économiques d’investir dans la transformation de la tomate. Sinon, « nous allons demeurer sous l’emprise de l’importation », conclut Bachirou M. Ndam, consultant en Développement Local. Cependant, il faut relever que l’investissement dans le secteur de transformation de tomates est assez couteux. Pour plusieurs promoteurs d’industries agroalimentaire qui préfèrent distribuer les concentrées de tomates importées, le choix de recourir aux tomates étrangères, se justifient par le coût élevés de l’ouverture d’une entreprise véritable de transformation de tomates locales. « Il faut vraiment avoir d’énormes financement, pour expérimenter ce genre de challenge. L’équipementier et vraiment très lourd et il faut mettre en œuvre une plateforme avec les agriculteurs pour toujours avoir de la tomate de bonne qualité en permanence », fait observer Romuald Diffo, agroindustriel.
Selon des études sur la problématique de l’industrialisation de la transformation des tomates au Cameroun, menées par le cabinet conseil Bugare, Silver Milenium, en 2012, la mise en place d’une unité de production de tomate en conserve de 1000 Kg par heure par exemple, est évalué à environ 129 millions de FCFA. Martial Bella, le représentant de ce cabinet conseil, explique en outre qu’au cours de l’étude de faisabilité de la mise en place de l’implémentation des unités de transformation de tomates, les investisseurs qu’ils accompagnaient ont rapidement fait face à l’absence d’espace dans les zones franches industrielles. La plupart de ces zones franches industrielles étant déjà toutes occupées…
Christelle Kouétcha du Quotidien de l’Economie